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UPANISHADS HORS-CANON Shaunaka Upanishad Upanishad du Sage Shaunaka
Notes préliminaires : SHAUNAKA : 1) chef du clan du même nom, à qui Brhigu conte l'épopée du Mahabharata; 2) l'une des deux recensions principales de l'Atharva Véda, faite sous la direction de Shaunaka, le grammairien (l'autre recension étant de Pippalada); 3) maîtres érudits spécialisés dans l'Atharva Véda, considérés comme l'école des Shaunakas. Ici, il s'agit du Sage Shaunaka, sans doute le premier de la lignée. Cette Upanishad aborde la nature et la portée du Pranava Om sous un angle complémentaire à tout ce qu'en disent les Upanishads canoniques. L'enseignement de Shaunaka est présenté sous la forme d'un récit mythique, où les guerres éternelles entre dieux et anti-dieux nous ramènent sans cesse aux temps héroïques de la Création, où les forces cosmiques et les puissances nouvelles ont dû concilier leurs antagonismes afin d'assurer une stabilité perdurante à l'univers. Indra est ici le dieu majeur, c'est lui qui institua (ou révéla) la puissance et l'universalité du Pranava Om, lequel assura la victoire des dieux sur les démons, aussi l'Upanishad vise-t-elle à conclure à l'identité essentielle du Pranava et d'Indra.
Les dieux et les démons se préparaient à la guerre. Indra, quant à lui, n'avait pas encore décidé de se joindre aux dieux. 1. Au petit matin, les dieux placèrent les Rishis et les Vasus (1) aux premières lignes, après les avoir équipés pour le combat où ils devaient défaire les démons. Au cours du sacrifice, les démons firent leur apparition et déclarèrent aux Rishis : « Permettez-nous de faire ce sacrifice avec vous, afin qu'ensemble nous remportions la victoire sur les dieux ! » Effrayés, les Rishis leur donnèrent autant de beurre clarifié (ghee) qu'il est nécessaire d'en verser dans le feu sacrificiel, ajoutant : « Avec cela, vous vaincrez les dieux. » Les démons prirent ce beurre clarifié et purent, grâce à lui, remporter la victoire. Alors, Indra dit à Gayatri (2) : « Mène les dieux à la victoire ! » Elle répondit : « Je vois que les dieux font retraite, que puis-je faire pour eux ? » Indra décida que le Pranava Om serait dès lors le début obligé de la récitation du mantra de Gayatri, et il ajouta : « Il te protègera. » — « Si ce mot me précède, alors il devra avoir sa part de ma célébrité. » — « N'aie crainte, sa majesté est supérieure à tout, et n'a pas besoin de prendre sa part de la célébrité des autres. Car le monde entier repose sur sa majesté. Quant à toi, tu n'as pas à te préoccuper du Pranava, va plutôt donner ton aide aux Vasus. » — « Om ! (qu'il en soit ainsi) », répondit Gayatri. Le Pranava parla : « Je pose comme condition que désormais ils commencent toute activité en commençant par moi. Sinon, je ne les aiderai pas. » — « Om ! (qu'il en soit ainsi) », répondirent les dieux. Ce qui signifie ceci : lorsqu'on prononce Om, tous les noms et toutes les formes (Nama-Rupa) sont contenus en ce mot. Car le Pranava est tout et contient tout. Aussi l'appelle-t-on le mot d'une seule syllabe (3), et ekakshara provient, du moins on le suppose, de ash (entourer) et vyaptau (pénétrer partout). Aussi quelqu'un dit « Om ! Je vais faire ceci », et quand les autres l'autorisent à le faire, ils disent «Om ! (qu'il en soit ainsi) », et quand quelqu'un souhaite parler, les autres disent « Om ! (qu'il en soit ainsi) ». Car ce mot accorde la victoire, est constant et contient en lui tous les êtres; il est simplement une syllabe, pourtant il est infini; étant infini, il est un et contient donc toutes formes, sons, odeurs, saveurs et contacts. C'est pourquoi on appelle le Pranava Indra. En vérité, toutes les syllabes et tous les êtres sont reliés à cette syllabe unique, et tous les Védas et tous les sacrifices sont sous son pouvoir. Et de même que tout est assujetti au pouvoir d'Indra, puisqu'Il est le roi qui domine tout, de même tout est sous le pouvoir du Pranava, il est le roi de toutes les syllabes.
Aussi prononce-t-on le Pranava doucement et légèrement, tous les matins. Car lorsque les démons furent proches, les dieux l'entonnèrent doucement; sur quoi, le Pranava se fit léger pour eux et leur dit : « C'est avec légèreté que je vais écraser vos ennemis. » Aussi les mantras, qui sont précédés du Pranava, sont-ils psalmodiés doucement, tous les matins; et parce que la Gayatri est associée au Pranava, tous les mantras que l'on récite le matin sont associés à Gayatri, et les dieux des offrandes matinales sont les Vasus. Puis le Pranava demanda : « Puisque je suis tout et que je précède la Gayatri, quelle sera ma récompense pour l'aide que je vais porter aux dieux ? » Indra répondit : « Elle sera qu'on commencera par te prononcer lors des chants védiques (3), et, lorsqu'on récitera le Sama (Véda), on te chantera comme représentant toutes les syllabes. » Voilà pourquoi lorsqu'on récite le Sama, on chante le Pranava comme représentant toutes les syllabes.
Le Pranava réfléchit : « Si je représente toutes les syllabes, alors les dieux verront toutes mes formes, et cela n'est pas bien. » Alors il rétracta toutes ses formes en lui-même et se dissimula dans la réverbération (4); il était donc sans cornes (sans moras*). Les dieux se mirent à courir derrière le sans-cornes, ils étaient à sa recherche. Ils déclarèrent : « Le pouvoir, la semence, la lumière, l'Indestructible, le Parfait, tout cela est la réverbération. » En conséquence, c'est au moyen de la réverbération qu'on obtient la lumière, l'Indestructible, le Parfait.
Et il advint que les démons furent vaincus et que la victoire revint aux dieux. Ce Pranava est Indra, il est tout ce qui existe. La Gayatri, le Saman, les Vasus, le Soma pressé le matin, tout cela est le Pranava. Indra est le mobile et l'immobile, aussi dit-on qu'Indra est le Pranava. 2. Mais les démons, qui avaient essuyé une défaite, se rassemblèrent de nouveau et, tandis que se déroulait l'hymne qui accompagnait l'extraction de Soma du midi, ils firent leur apparition en plein sacrifice. Les Rishis s'en effrayèrent et leur donnèrent une partie de l'eau sacrificielle, avec ces mots : « Avec cela, vous vaincrez les dieux. » Les démons désiraient ardemment l'emporter sur les dieux grâce à cette eau. Indra envoya les Rudras (5) rejoindre les dieux en pleine bataille, mais les dieux furent vaincus par les démons. Alors, Indra dit à Trishbub (6) : « Va aider les dieux ! » Elle répondit : « Les dieux sont vaincus, que pourrais-je faire d'eux ? » Indra se tourna de nouveau vers le Pranava : « Place-toi en tête de la Trishtub. » Le Pranava répondit : « Quelle sera ma récompense ? » Indra déclara : « Ce que Je suis, tu l'es aussi; on te prononcera comme représentant Ma forme.
Le Pranava réfléchit : « Alors les dieux sauront toute la vérité à mon propos, et cela n'est pas bien. » Alors il rétracta toutes ses formes en lui-même et se dissimula dans la réverbération; Aussi ne prononce-t-on pas sa troisième corne (M), mais une réverbération à sa place. Et il advint que les démons furent vaincus et que la victoire revint aux dieux. En conséquence, les dieux qui président à l'extraction de Soma du midi sont les Rudras, et leur mètre est le Trishtub. 3. Mais les démons préparaient un nouvel assaut et, tandis que l'hymne qui accompagnait l'extraction de Soma du soir se déroulait, ils firent leur apparition en plein sacrifice. Les Rishis s'en effrayèrent, ils déchirèrent les pointes des brins d'herbe sacrificielle et les donnèrent aux démons avec ces mots : « Avec cela, vous vaincrez les dieux. » Indra dit à Jagati (7) : « Va aider les dieux ! » Elle répondit : « Les dieux sont vaincus, que pourrais-je bien faire ? » Indra plaça alors le Pranava en tête de la Jagati. Le Pranava demanda : « Quelle sera ma récompense pour l'aide que je vais porter aux dieux ? » Indra répondit : « On te prononcera avec l'Udgitha (8), afin que ta gloire devienne visible. » Et Il fit des Adityas (9) les meneurs des dieux.
En conséquence, les dieux qui président à l'extraction de Soma du soir sont les Adityas, et leur mètre est le Jagati. Le Pranava réfléchit : « L'Udgitha est la manifestation des Adityas, la manifestation de Brahman, or je suis la manifestation de Brahman, et je ne suis pas différent de Lui. » Il se mit à marcher, avec sa forme plénière, celle qu'il avait auparavant dissimulée dans la réverbération, au-devant des Adityas, et ceux-ci firent de lui leur arme. C'est ainsi qu'il infligea la défaite aux démons, qui furent éparpillés comme menue poussière et restèrent impuissants à se rassembler de nouveau. Le fait que le Pranava se soit manifesté dans sa forme plénière lui assura une grande renommée, car le Pranava est réellement le summum de la grandeur. Tous les êtres sont contenus en lui, sa demeure est au sein de la réverbération, car c'est en elle qu'il est venu se dissimuler. Il possède quatre cornes, trois pieds le supportent, Ses quatre cornes sont les trois unités phonétiques et demi, ses trois pieds sont A, U et M, ses deux têtes sont O et M, ses sept mains sont les sept notes de musique, car il est chanté sur ces sept notes. Triplement liées sont ses trois lettres (A, U, M) : aux trois feux, aux trois mondes et aux trois Védas. On dit aussi qu'il leur est semblable. Le Pranava est Indra, il est par conséquent auguste. Aussi dit-on : Seigneur au-dessus de tous les dieux, Indra est auguste. Du fait qu'Indra se comporte ainsi, on en a déduit que le Pranava résonne fortement; et il résonne fortement aussi parce que tous ceux qui le vénèrent acquièrent une grande renommée. Le fait qu'il ait pénétré en tous les êtres vivants signifie qu'il réside au sein de tous les êtres. Aussi doit-on vénérer Indra au moyen de la syllabe Om. Ainsi parla le révéré Shaunaka.
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