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KALA, le temps, et ses divisions Du temps-espace sub-atomique
Table des matières :
1. Avant le Temps : La notion d'origine absolue est illustrée dans la cosmogonie hindoue par plusieurs entités et plusieurs concepts, et dans la majorité des récits de Création, le point de départ se situe à la fin d'une période de repos universel, à l'aube d'un nouveau cycle de manifestation. On a donc affaire d'emblée au dieu Brahma, qui agit sous la guidance d'une entité supérieure, habituellement dénommée Narayana, le Seigneur suprême, l'Âme suprême, etc. Mais qu'est-ce qui va produire ce léger décalage dans l'éternité assoupie de la pré-matière, déclic qui va libérer la mémoire karmique des acteurs-constructeurs, lesquels vont se remettre à travailler, à agir (karma) ?
2. Nature du Temps : « Le Temps est ce qui a pour véhicule la modification des gunas*. En soi, il ne possède aucune propriété spéciale, mais il est sans commencement ni fin. L'Être suprême, le divin Purusha, comme en se jouant, a engendré l'univers à partir de Lui-même en utilisant le Temps comme cause instrumentale. » Bhagavata Purana, III-10-11.
Le Temps, selon le Bhagavata Purana, est le pouvoir de motivation (ou tout simplement le désir démiurgique) du Créateur; en tant que tel, il ne fait pas que rompre l'équilibre de la pré-matière, où les trois gunas se développent dès lors selon un schéma tripartite : Gunas – qualité, Atma - spiritualité, Maya – diversité et illusion; il poursuit sans cesse le processus de création, à toutes ses étapes, et ceci tant que durera le nouveau cycle maintenant enclenché. Si la Divinité est l'agent causatif de la création, le Temps en est la cause efficiente.
Le Temps prend pour support Pradhana (l'état non-manifesté de la matière primordiale, synonyme d’Avyakta, qui se transforme ensuite en Prakriti travaillée par l'activité de Maya), dès que se produit la rupture d'équilibre des Gunas. Il est dépourvu de tout caractère spécial, ce qui confirme qu'il n'est ni un principe, ni une qualité, ni un élément. Il ne dépend d'aucune cause extérieure à lui-même. Il existe de son propre gré (identifié à la volonté créatrice de Brahma), selon sa propre loi. Pour toutes ces raisons, il est infini. Le Grand Homme cosmique (MahaPurusha), qui possède l'Indifférencié (Pradhana) comme cause efficiente, a créé un double de Lui-même sous la forme de l'univers en utilisant le Temps comme cause instrumentale.
3. Les nombreuses formes du Temps : Considérons que l'espace de la création se déploie d'un pôle initial à un autre : elle va du pôle subtil, Sukshuma, et aboutit au pôle de la matière physique dense, Sthula. Divisions temporelles
Divisions cycliques Satya, Treta, Dvapara et Kali sont les 4 Yugas : Âge de la Vérité, Âge des Trois Feux rituels, Âge du Doute et Âge du Conflit.
Le Dharma est promulgué pour la période allant d'une aube à un crépuscule, qui est le Yuga proprement dit. 1'000 cycles de Yugas = un Jour de Brahma = 1 Kalpa Une période égale constitue une Nuit de Brahma. 14 Manus* règnent successivement durant un Jour de Brahma
Chaque Manvantara est régi par son Manu, ainsi que par les Rishis et les Dévas, ces deux groupes apparaissant ensemble (et, sauf erreur, sont maintenus durant tout le Manvantara). Durant le Manvantara, Bhagavan (l'aspect global et individualisé de la Divinité) préserve l'univers au moyen de sa propre Lumière spirituelle (Sattva), qu'il projette soit directement en Avatars, soit indirectement en Manus, Rishis et Dévas. Lorsqu'approche le moment de l'extinction (Pralaya), Bhagavan retire ses pouvoirs (Shaktis). Les trois mondes (Triloka) sont alors consumés par les flammes crachées par la gueule de Shankarshana*. Les résidents du plan divin (Maharloka ou Devaloka) émigrent alors dans le plan de la Créativité (Janaloka). Les eaux du Pralaya balayent toutes choses sur leur passage. Dans cette infinie plaine diluvienne, Hari-Vishnu demeure seul, les yeux fermés, sommeillant parmi les anneaux du gigantesque serpent Ananta.
Avec chaque Jour et chaque Nuit de Brahma, la longévité du Démiurge décline, car elle est de 100 ans de Brahma (1 année de Brahma = 360 jours + 360 nuits). Une demi-vie de Brahma, soit 50 années de Brahma, s'appelle un Pararddha. Le premier Pararddha de la vie de Brahma est révolu, le second a commencé avec le Kalpa actuel (1 jour de Brahma = 1 Kalpa). Le Temps de Brahma
Notre position dans le cycle en cours
Le Kali Yuga actuel clôt le 28ème cycle de 4 Yugas du Manvantara actuel (qui en comptera 71,43), celui de Vaivashvata. [Rappel: 1'ooo cycles de Yugas = un Jour de Brahma = 1 Kalpa = 14 Manvantaras]
Afin de mieux synthétiser ces notions, rien de tel que de les mettre en perspective, en allant aux sources mêmes. Voici donc la traduction du chapitre 4 du Livre I du Linga Purana, intitulé « Inauguration de la Création ». Extrait du Linga Purana Livre I, chapitre 4 – Inauguration de la Création Suta dit : 1-2. La durée de la Création Prakrita (matérielle) est d'un jour de Brahma. Suit une période de même longueur, qui constitue la nuit de Brahma. Le Seigneur effectue et maintient la création durant la journée et procède à la dissolution et la maintient durant la nuit. Il ne connaît ni jour ni nuit au sens où nous l'entendons, les termes jour et nuit étant à prendre symboliquement. 3-6. Durant le jour (comme on dit) de Brahma, tous les Principes, Vikritis* – les Principes universels ou Vishvadevas**, les Prajapatis et les Sages sont présents. Durant la nuit, ils sont tous dissous. Ils sont produits de nouveau à la fin de la nuit. Un jour du Seigneur constitue un kalpa pour nous. Et sa nuit constitue un autre kalpa. Il est apparu 14 Manus au moment où 1000 cycles de 4 yugas touchent à leur fin. Ô brahmanes, le Krita Yuga se déroule sur 4000 ans. Les périodes de transition qui encadrent un yuga sont respectivement de 400 ans, 300 ans, 200 et 100 ans.
7-9. L'amshaka*, par conséquent, fait 1/6 de la durée de chaque yuga. Les durées sont de 3000 ans pour le Treta, 2000 ans pour le Dvapara et 1000 ans pour le Kali, calculées sans leur partie d'amshaka. La durée du Krita a été mentionnée plus haut. Ô hommes qui suivez les rites sacrés, 15 cillements des paupières d'un homme en bonne santé et dans des conditions normales représentent un kastha. Trente kasthas font un kala. Et 30 kalas font un muhurta (48').
10-12. La nuit comporte 15 muhurtas, le jour de même. Un mois lunaire, selon le calendrier humain, constitue un jour et une nuit des ancêtres, Pitris. Si on pousse plus loin la division du temps, la quinzaine sombre constitue le jour des Pitris et la quinzaine claire constitue la nuit, durant laquelle les Pitris sont endormis. Trente mois lunaires humains font un mois des Pitris. La période de 360 mois lunaires selon le calendrier humain fait une année des Pitris. 13. Cent années lunaires calculées selon le calendrier humain font 3 années des Pitris. 14. Douze mois lunaires selon le calendrier humain font une année des mortels [les humains, et probablement les animaux]; 12 mois des Pitris (selon leur propre calendrier) constituent l'année des Pitris. 15. Selon le Linga Purana, une année humaine représente la période d'un jour et d'une nuit pour les Pitris. Leurs jours, nuits, années et leur autres divisions temporelles vont comme suit : 16. La période de l'Uttarayana (transit nord du Soleil au Tropique du Capricorne) est le jour pour les Pitris, la période du Dakshinayana (transit sud du Soleil au Tropique du Cancer) constituant leur nuit. Jours et nuits sont calculés par eux en accord avec le calendrier des Dévas. 17-23. Trente années des mortels constituent un mois des Dévas. Ô brahmanes, 100 années des mortels font donc 3 mois ½ des Dévas, plus 10 jours. Trois cent soixante (360) années des mortels font une année des Dévas. Trois mille et trente (3'030) années des mortels constituent une année des Sept Sages. Neuf mille et quatre-vingt dix (9'090) années des mortels constituent une année de Dhruva [l'étoile polaire, “l'Immuable”]. Trente-six mille (36'000) années des mortels font un siècle des Dévas. Ceux qui connaissent l'arithmétique disent que 360'000 années des mortels représentent une période de 1000 ans des Dévas. 24-35. La durée d'un yuga est calculée selon le calendrier des Dévas. Le premier yuga est appelé Krita, il est suivi du Treta, puis du Dvapara et enfin du Kali. Ô hommes qui suivez les rites sacrés, ce sont là les noms des yugas. Dorénavant, le nombre d'années pour chaque yuga, qui a été mentionné plus haut selon le calendrier des Dévas, va être compté selon le calendrier des mortels. Le Krita consiste en 1'440'000 années humaines; le Treta en 1'080'000 années humaines; le Dvapara en 720'000 années humaines et le Kali en 360'000 années humaines. Ainsi donc, la durée totale des 4 yugas, sans les périodes de jonction et de transition, fait un total de 3'600'000 années humaines; si l'on y intègre les périodes de jonction et de transition, le cycle complet des 4 yugas fait un total de 4'320'000 années humaines. Un peu plus de 71 cycles de 4 yugas – Krita, Treta, Dvapara et Kali – constituent un manvantara.* Le nombre d'années humaines comprises dans un manvantara est de 306'720'000**, ô excellents brahmanes. La période d'un manvantara, selon ce Purana-ci, ne dépasse pas ce chiffre.
36. Le nombre d'années humaines dans un cycle de 4 yugas a été mentionné plus haut. Ô excellents brahmanes, 1000 cycles de 4 yuga constituent un kalpa, ou jour de Brahma. 37. Durant la nuit de Brahma, les créatures meurent, et à la fin de la nuit, elles sont créées de nouveau. Il existe 28 crores (soit 280 millions) de dieux qui se déplacent dans des chars célestes. 38. Durant les manvantaras et les périodes intermédiaires, le nombre de dieux augmente et atteint 392 crores (soit 3'920 millions). 39-40. Ô brahmanes, durant le dernier kalpa, le nombre de dieux atteignit 78'000 crores (soit 780'000 millions). Cela vaut pour tous les kalpas. Quand la dissolution est imminente, les dieux abandonnent les survivants humains du dernier jour du kalpa, quittent le Mahaloka (plan divin) et se réfugient dans le Janaloka (plan du Créateur). 41-42. Le nombre d'années dans un demi-kalpa, selon le calendrier des Dévas, est de 2862 crores et 7 millions (soit 28'627 millions). Le kalpa peut être calculé selon le même schéma (soit 57'254 millions d'années divines*). Un millier de ces kalpas constitue une année de Brahma.
43. Huit mille (8'000) années de Brahma font un yuga de Brahma. Et 1000 yugas de Brahma constituent un savana. 44. Neuf mille (9'000) savanas constituent un jour de Rudra (Shiva). 45-49. Ô grands Sages, voici les noms de quelques uns des kalpas (ou jours) de Brahma : Bhavodbhava, Tapas, Bhavya, Rambha, Kratu, Ritu, Vahni, Havyavaha, Savitra, Shuddha, Majjaliya, Madhyama, Vairaja, Nisada, Mukhya, Meghavahana, Pancama, Citraka, Akriti, Jnana, Manas, Sudarsha, Brimha, Svetalohita, Rakta, Pitavasas, Asita et Sarvarupaka. Ô excellents Sages, des milliers et des crores (dizaines de millions) de ces kalpas se sont déjà déroulés. 50. À la dissolution d'un kalpa, tout ce qui peut rester de la création opérée durant le jour et la nuit est détruit. 51-53. La destruction commence sur l'ordre du Seigneur Shiva. Quand la création a été annihilée et que Pradhana* est clos en lui-même, le Pradhana et le Purusha s'immobilisent totalement et demeurent inactifs. Ô brahmanes, c'est uniquement lorsque les trois gunas ne sont plus en équilibre que la création démarre. Lorsqu'ils retrouvent leur équilibre, la création se détruit. Et c'est le Seigneur suprême qui est l'instigateur des deux. La création est lancée par lui, à la façon d'un jeu, selon ce procédé.
54-56. De telles créations, accomplies par l'action de Pradhana, sont innombrables. Les kalpas, avec leurs Brahmas et leurs Vishnus, sont innombrables. Mais le Seigneur Shiva est unique. Les activités de Prakriti qui émergent de Pradhana sont la manifestation de son jeu. Les activités déployées à partir des caractéristiques des gunas sont triples et vouées à la destruction, mais l'Atman, non-créé, ne possède, quant à lui, ni commencement, ni milieu, ni fin.*
57. La durée de vie de Brahma se divise en deux parties, appelées pararddhas. Ce qui est créé et maintenu à l'existence durant son jour, est détruit et annihilé durant sa nuit. 58-61. Les trois mondes, Bhur, Bhuvah et Svar, ainsi que le Maharloka, sont anéantis; seuls demeurent intacts les mondes supérieurs. La nuit venue, quand toute forme d'existence mobile et immobile a péri et qu'une vaste nappe d'eau recouvre tout comme un seul océan, Brahma s'endort sur les eaux. D'où son nom de Narayana, “Reposant sur les eaux”. À la fin de la nuit, il s'éveille et contemple le vide, à la place de ce qui fut autrefois le monde des êtres mobiles et immobiles. Alors, lui qui est l'excellence absolue en matière de connaissance de Brahman, décide de créer. Il prend la forme de Varaha, le Sanglier*, et ramène la Terre qui avait été submergée par les eaux. Il la soulève et la remet dans la position qu'elle avait auparavant, parcourue de toutes ses rivières, ruisseaux et océans.
62-63. Piétinant lourdement et à grands efforts cette terre, il l'égalise. Il rassemble la matière des montagnes qui avaient été pulvérisées par le feu du Pralaya. Il remet en place les quatre mondes, Bhur, etc., comme auparavant. Alors, en tant que Seigneur de la création, il décide de créer de nouveau tout ce qui existait.
4. L'au-delà du Temps : Moksha et Pralaya La cosmogonie et la spiritualité hindoues distinguent 4 sortes d'extinctions (Pralayas) et ce thème, richement documenté, fait l'objet d'une présentation séparée. Voir Pralaya, l'au-delà du Temps : de l'extinction individuelle (Moksha ou Nirvana) à l'extinction universelle (Pralaya).
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